Interview parue dans le blog 16h44 de Philippe Carpentier
Tout ce que vous avez toujours rêvé de savoir sur le mécénat financier, sans oser le demander.
Bérangère LEROY s’appuie sur un parcours industriel solide comme responsable sécurité et environnement dans le domaine de la métallurgie, du textile et de l’agro-alimentaire, puis du conseil. Engagée dans l’animation des réseaux d’entreprise en Hauts-de-France et sensibilisée par la nécessité de financer des projets à fort enjeu sociétal, elle développe auprès de l’EDHEC son sens marketing et sa technicité de “fundraiser” à l’ESSEC.
Bérangère, depuis 2022, avec “Partenariats durables”, tu travailles à faciliter les liens entre les associations et les entreprises. Comment est né ce projet ?
Mon expérience associative m’a montré que bon nombre de projets pleins de sens ne révèlent pas leur potentiel par manque de moyen financier. Des causes importantes avancent au ralenti. C’est frustrant ! Des démarches de collecte de fonds auprès d’entreprises ont parfois été entamées par les associations mais celles-ci ne possèdent pas toujours les “codes” attendus par les entreprises.
De l’autre côté, des entrepreneur.e.s éclairé.e.s souhaitent s’engager pour des missions sociétales, avec de bonnes intentions, animé.e.s par une vraie conviction. Mais leur métier ne les a pas préparé.e.s au mode de fonctionnement associatif.
C’est pourquoi j’ai voulu créer des ponts entre les associations qui veulent structurer leur démarche de collecte de fonds et les entreprises dont l’engagement est réel, sincère et durable.
Pourquoi le mécénat est-il tellement d’actualité ?
Même si le “Giving Tuesday” parle à certains, la tradition du don est encore peu développée dans notre pays par rapport à d’autres (Etats-Unis, notamment).
Malgré tout, cela se développe de plus en plus en France car les associations doivent faire face à la rareté et à la complexification d’accès aux fonds publics.
Fonds publics rares, besoins croissants : le mécénat apporte une solution intéressante.
Il peut prendre la forme de dons en nature, de dons financiers, ou même de mise à disposition de collaborateurs, c’est ce que l’on appelle le “mécénat de compétences”.
En contrepoint, des entrepreneur.e.s éclairé.e.s ont compris que la logique économique ne suffit pas à accomplir une mission pleine de sens. Leurs équipes aspirent à s’engager pour des causes fortes qui les concernent, au-delà de l’activité de base de l’entreprise. C’est pour cela que nous observons une montée en puissance de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises).
Pourquoi les associations et les entreprises ont-elles besoin d’être accompagnées ?
Avant qu’une association ne s’engage dans la voie du mécénat financier, elle doit effectuer un important travail préparatoire. La démarche doit être exigeante et professionnelle. Il lui faut en premier lieu se doter d’un “discours de cause” et cibler les bonnes entreprises, valoriser et rendre claire la compréhension de la démarche de l’entreprise et de ses motivations profondes, etc.
Dans un second temps, le choix des projets cohérents avec les intérêts et les valeurs de l’entreprise se pose. Il convient aussi d’intégrer le cadre juridique.
Alors, seulement les germes d’un partenariat durable sont possibles.
Du côté de l’entreprise, être mécène, et non simple financeur, nécessite de trouver les associations qui incarnent profondément la cause pour laquelle elle s’engage. Car au-delà du premier projet, il s’agit de construire une relation à long terme, qui nourrira les deux parties sur bien des plans.
Qui sont les entreprises qui s’engagent dans cette démarche de mécénat ?
Selon une étude récente, le mécénat s’ouvre à une très large typologie d’entreprises, qui va de la PME aux grandes entreprises. La caractéristique essentielle est d’avoir dépassé la préoccupation de la survie et donc d’être en bonne santé économique, avec un niveau de marge satisfaisant.
Les ETI sont sous-représentées, en cela elles constituent une opportunité à exploiter pour les associations.
Quels avantages les entreprises tirent-elles du mécénat ?
Le premier avantage, c’est l’effet d’engagement.
En s’engageant pour une cause, l’entreprise affirme une vraie raison d’être. Souvent, les collaborateurs concernés s’engagent à leur tour bien au-delà, à titre personnel.
Cela renforce les liens autour de valeurs profondes, qui unissent l’entreprise, son équipe et ses parties prenantes dans la durée. Le rayonnement se fait de façon naturelle et non artificielle. On est loin du greenwashing ou du social washing.
Cela génère des effets positifs sur la marque employeur et génère une relation profonde avec l’écosystème. Autant de sujets cruciaux pour les entreprises sensibles à leur responsabilité sociale et sociétale.
Le second avantage est fiscal.
60% des dons à des associations ou à des fondations d’intérêt général sont déductibles. Les domaines sportif, social, environnemental, culturel, médical sont éligibles.
A noter que, à la différence du sponsoring, le mécénat n’a pas pour objet la visibilité de l’entreprise. Une convention de mécénat va garantir le respect du cadre juridique, notamment la question de la disproportion marquée des contreparties. D’où, là encore, la nécessité d’être bien accompagné.
L’expérience me fait dire que cet avantage, même s’il n’est pas un déclencheur pour l’entreprise, génère un effet de levier substantiel pour elle-même et pour la cause qui lui tient à cœur.
Interview parue le 24 janvier 2023 sur le blog 16h44 de Philippe Carpentier